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Juan Manuel Fangio

De l'autre côté du miroir

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Tant à dire et si peu de mots... Alors, perdu pour perdu, pourquoi ne pas tenter de raconter Juan-Manuel Fangio en deux courses. D'abord, le Nürburgring 1957, le maître des circuits. A un commissaire de piste qui prétendait que Hitler lui-même en avait supervisé le tracé, l'Australien Frank Gardner répondit un jour: "Merci, je l'avais deviné." Voilà, le décor est planté. Fangio affronte les deux cavaliers de la Scuderia, Collins et Hawthorn. Il les devance aux essais, mais sait qu'en course les pneus Pirelli de sa Maserati ne tiendront pas la distance, contrairement aux Englebert des Ferrari. Il s'élance donc réservoirs mi-pleins, pour creuser l'écart qui lui permettra de ravitailler. La Maserati revient aux stands au douzième tour avec vingt-huit secondes d'avance. Un écrou baladeur prolonge l'arrêt. Quand Fangio reprend la piste, les Ferrari sont passées depuis quarante-huit secondes. Autrement dit, la cause est entendue, la course perdue. Sauf pour Fangio. L'argentin est en colère, comme peut-être il ne l'a jamais été lors d'une carrière commencée vingt-trois ans plus tôt sur les mauvaises pistes de la Pampa. Un tour pour porter ses pneus à température, et Fangio le sage décide de faire ce dont il s'était toujours gardé: rouler sur un fil, et même au-delà. Là où il descendait précédemment en 3è ou en 4è, il garde le rapport supérieur et mord l'herbe de ses roues extérieures en sortie de courbe.? Dix tours de rang, il bat son propre record du tour, améliorant même, fait rarissime dans l'histoire du sport automobile, la pole position qu'il avait signé aux essais: 9'17"04 contre 9'25"60 ! Chaque fois que Hawthorn et Collins longent en escadrille le stand Ferrari, des panneaux les exhortent à aller plus vite... Mais à coup de huit secondes au tout, parfois davantage, Fangio revient, inexorablement. Deux boucles avant l'arrivée, la jonction est faite. Collins cède le premier. UN tour encore, et Hawthorn renonce; Fangio franchit la ligne d'arrivée avec trois secondes d'avance.

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Sur le podium, les deux Anglais sourient, embrassent l'Argentin. Normalement, ils devraient être dépités. Mais ils mesurent l'exploit accompli. Dans leur regard, que de l'admiration. Plus tard, Bernard Cahier, comme il en avait l'habitude, vient féliciter Fangio dans sa chambre d'hôtel. Il le trouve allongé sur son lit, dans la pénombre. Épuisé, vidé, Fangio a des mots à la Guillaumet, cet homme qui a peut-être volé au-dessus de lui quand il franchissait les Andes: " Jamais je n'avais conduit comme aujourd'hui." Il était passé de l'autre côté du miroir. Et frissonnait encore de ce qu'il y avait vu.  Il avait 46 ans, et savait que jamais il ne pourrait aller plus loin que ce 4 août 1957. Alors, ce fut sa dernière victoire. Et il se retira en fin de saison, au soir de son cinquième titre.

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Ensuite, Reims 1958. Fangio est revenu sur sa parole. Peut-être pour revoir une dernière fois Reims, là où sa carrière en Europe avait débuté en 1948, et boucler la boucle. Mais, dans les longues lignes droites de Reims, sa Maserati 250 F pleure ses chevaux enfuis. Hawthorn eut cette phrase admirable: "On ne prend pas un tour à Fangio." Tout était dit: le respect, presque la dévotion, qu'inspirait Fangio à ses rivaux.

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En 1956, Fangio avait fini par rejoindre Ferrari. Il n'y resta qu'un an. Enzo Ferrari attendait de ses pilotes qu'ils lui fassent allégeance et se soumettent aux intérêts supérieurs de la Scuderia. Fangio, comme chez Alfa, Maserati ou Mercedes, n'avait que faire du Mans, des Mille Miglia, et voulait être le pivot de son écurie. Dès lors, les deux plus grands monuments de la F1 se sont croisés, sans se comprendre. Les autres pilotes Ferrari avaient l'élégance naturelle des jeunes gens bien nés. Ils étaient comte, comme von Trips, marquis comme de Portago. Élevés dans les meilleures collèges anglais, comme Collins ou Hawthorn. Issus de la haute société italienne, comme Musso ou Castellotti. N'empêche que, lorsque Fangio parlait, ils écoutaient tous le petit homme rond à la casquette, le fils du maçon de Balcarce. Les beaux jeunes gens bien nés ont connu le même destin. Ils sont tombés, les uns après les autres. L'homme à la casquette est le seul qui ait quitté Enzo Ferrari. Et le seul à avoir survécu. L'ancien protégé du général Peron est mort à 84 ans, le coeur fatigué, entouré de l'amour des siens et pleuré par tout un peuple.

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Biographie et Palmarès:

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Né le 24 juin 1911 en Argentine et décédé le 17 juillet 1995, il disputera 51 Grands Prix de 1950 à 1958 - 24 victoires - 28 pole positions - 23 records du tour - 277,5 points marqués - champion du monde en 1951, 1954, 1955, 1956 et 1957.

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Source : "Pilotes légendaire de la Formule 1 - édition Tana - textes Xavier Chimits - 2006"

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